Ma mère est une femme formidable. Déjà parce qu’elle a eu la brillante idée de me faire et ensuite parce que c’est effectivement le cas. Elle est formidable. Sauf que voilà, comme tous les gens formidables (qui ne sont pas extraordinaires, comme moi) elle a plein de défauts. Les uns pires que les autres. Et même si je l’adore et que c’est ma mère, parfois j’ai quand même envie de lui en coller deux.
Surtout quand elle me prend pour qui je ne suis pas. Quand j’étais plus jeune, genre jadis, elle avait ce chic détestable de me proposer pour tout ce qui était aide aux devoirs, babysitting et toutes les autres joyeusetés qu’on peut faire avec des gamins pleins de morve du matin au soir et du soir au matin.
A un moment donné de mon existence universitaire, elle m’a même prise pour un écrivain public et a proposé mes services pour la rédaction de lettres de motivation pour une voisine. Je ne suis déjà pas assez motivée pour écrire mes propres lettres qu’il fallait encore que j’aille écrire celles des autres.
Ça encore, ça peut aller.
Le pire étant quand elle me prend pour une technicienne d’Orange. Experte ès branchements téléphoniques. Ça me fait penser que je devrais ouvrir une hotline dans ma chambre. Je lui parlerais en polonais, et je la ferais payer 5€ la minute pour lui dire (comme on me dit trop souvent) « Né vous inquiétez pas, y’a pas dé problèmes, qué des solutions » ce à quoi j’ai envie de répondre par un aimable: « Mais tu vas la fermer oui ! »
Enfin bref.
Ma mère, dès qu’elle a un souci avec la technologie (la rime est pour moi, cadeau), elle m’appelle. Même quand ma sœur est dans les parages. Véridique. A croire que le premier mot que ma mère a su dire quand elle est devenue mère est mon prénom.
Parenthèse : quand je lui ai fait remarquer, elle m’a dit que c’est parce qu’elle savait qu’elle pouvait compter sur moi. Je crois qu’elle a dit ça surtout pour me flatter et qu’en vrai, elle s’est liguée avec les forces du mal pour m’empêcher de glander plus de 10 minutes d’affilée. Fin de la parenthèse.
Donc là, en ce moment, la livebox vit sa vie de livebox, à savoir qu’elle bugge toutes les trois minutes et que donc, toutes les trois minutes j’entends mon doux prénom hurlé par delà le salon. Je me lève et je te bouscule et me dirige courageusement vers le cœur du problème. Débranche. Branche. Reboot. Deboot. Mais rien n’y fait et je sens dans le ton que ma mère emploie que franchement j’exagère à ne pas savoir gérer cette panne.
Ouais, sauf que si Jérôme était là (Jérôme c’est mon prof de didactique et parfois même d’informatique), il lui dirait que l’informatique c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique. Ouais, Jérôme aime bien les mots qui finissent en –tique.
Sauf que Jérôme, il ne vit pas chez moi. Et donc, il peut pas l’endormir avec ses yeux bleus. Et c’est moi qui dois appeler le service technique quand je sens ma mère s’énerver-tout-rouge.
Donc, voilà, j’ai pris mon super combiné, et j’ai téléphoné à Orange. Deux fois. Deux fois, parce que la première fois, j’ai fait ma fille un peu stupide et j’ai pas débranché le bon câble, du coup, ça a coupé la communication. Oups.
La deuxième fois (et la dernière) j’ai fait moi, la fille sûre d’elle et inébranlable, celle qui va droit au but, sans tergiverser. Et finalement, ça marche pas trop mal : j’ai eu le droit d’aller chercher une nouvelle livebox demain, dans l’agence la plus porche de chez moi. Bon, bien sûr, avant il a fallu que j’attende les « moins de 4 minutes de temps d’attente » d’Orange, qui sont en fait 9 minutes de votre temps, à vous et que je m’entretienne avec une espèce de personne qui comprend le français comme je parle l’ouzbèque.
Mais j’ai eu gain de cause. Et rien que pour ça, ça mérite quelque chose.
Bon. Après, il a fallu que j’affronte la génitrice qui me sert aussi accessoirement de mère et que je lui explique qu’elle ne pourrait pas regarder la télé ce soir. Autant vous dire que j’avais le trouillomètre à zéro. Ce à quoi elle a répondu, dans un calme olympien, « c’est pas grave, je jouerai sur l’ordi ».
Ma maman est vraiment formidable.